Mener à bien des négociations où chaque partie peut tirer profit des échanges n’est jamais évident. Prenons pour exemple dans cet article, les 3 erreurs classiques en négociation que l’on a vu dans les échanges entre les syndicats et la direction d’Air France. Jean-Marc Janaillac vient en effet de démissionner de son poste de Président d’Air France le 4 Mai dernier après le rejet, par 55,44% des votants, du projet d’accord salarial soumis au vote des collaborateurs.

 

Erreur N° 1 : Prendre un arbitre ou comment perdre le contrôle complet du processus

 

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Jean-Marc Janaillac a tenté un passage en force face aux syndicats en demandant unilatéralement à un tiers, en l’occurrence ici l’ensemble des salariés, de se prononcer sur les propositions qu’il avait faites aux syndicats et que ceux-ci avaient jusqu’alors refusées.

Au poker, cela s’appelle un « All In » ou un « Tapis ». Il avait probablement la conviction qu’il serait soutenu par une majorité de collaborateurs pour s’engager dans un tel processus, mais c’est toujours un risque considérable de prendre cette posture dans une négociation et cela pour au moins deux raisons :

  • L’arbitrage, puisque c’est de cela dont il s’agit, signifie la perte complète du contrôle du processus en le mettant entre les mains d’un tiers. Dans votre vie courante, cela peut ressembler à :
    1. Demander à un juge de régler un conflit entre 2 entreprises ou entre une entreprise et un salarié
    2. Demander à un directeur de trancher un conflit interne entre 2 salariés.
  • La décision d’un arbitre implique presque systématiquement qu’une des 2 parties perdra la face ce qui impactera nécessairement la relation à long terme entre celles-ci. Vous gagnerez peut-être cette manche si l’arbitre va dans votre sens, mais ne vous attendez pas à réussir les prochaines négociations facilement.

 

Notre conseil : Ne vous précipitez jamais vers un « arbitre » surtout quand vous pensez qu’il vous donnera raison car vous pourriez avoir de mauvaises surprises. Au contraire, utilisez votre position pour prendre le pouvoir sur la négociation en positionnant « l’arbitre » comme une menace potentielle, sans l'exercer si vous êtes convaincu de sortir gagnant.

 

Erreur N°2 : Tomber amoureux de sa stratégie !

 

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Préparer une stratégie est bien entendu important dans une négociation à partir du moment où celle-ci reste la plus simple et plus flexible possible. N’oubliez jamais que votre stratégie est au service de vos objectifs et non l’inverse.

On peut raisonnablement se demander si la direction d’Air France avait prévu de la flexibilité dans sa stratégie de négociation au service de ses objectifs.

C’est malheureusement également semble-t-il le même chemin que semblent emprunter les syndicats des cheminots de la SNCF avec leur grève intermittente étalée sur la durée du processus et qui permettrait aux usagers de moins subir les difficultés qu’ils rencontrent habituellement. Le niveau de gréviste est ainsi passé de 35,4% le 22 Mars 2018 à 14,5% le 9 mai (Sources SNCF Médias). Quand une stratégie ne fonctionne pas, il est nécessaire d’en changer.

Dans les 2 cas, chez Air France et à la SNCF, nous sommes dans des stratégies d’oppositions fortes ne laissant que peu de place à la flexibilité. Chaque partie rejetant d’ailleurs la faute sur l’autre, objectant leur manque de flexibilité alors même que eux-mêmes n’en montrent que très peu.

Autre exemple :

Dans les relations commerciales, notamment lors des renouvellements de contrats, les blocages interviennent souvent lorsque des acheteurs refusent des augmentations de tarifs. Refuser une augmentation de tarif est une stratégie pour atteindre des objectifs par exemple de rentabilité ou d’économies internes. Cela peut être la façon préférée pour atteindre ces objectifs mais ce n’est pas la seule, et si le blocage persiste, alors avoir des stratégies flexibles est essentiel pour sortir rapidement du conflit et trouver d’autres solutions.

Cependant, cela signifie que préalablement vos objectifs soient bien préparés avec une limite précise à ne pas dépasser et une liste de souhaits (livraison, délais de paiement, escomptes, remises additionnelles au volume, augmentation de part de marché sur le segment…) conséquente pour créer de la valeur tout au long du processus.

En général, on passe traditionnellement beaucoup trop de temps sur la stratégie et pas assez sur nos objectifs.

 

Notre conseil : Demandez-vous régulièrement si vos objectifs en sont réellement ou si ce sont des stratégies cachées derrière des objectifs flous et imprécis.

 

Erreur N° 3 : Perdre du temps en faisant des propositions irréalistes

 

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Les propositions irréalistes (du genre “Je continue de travailler avec vous si vous me faites 50 % de remise et livraison gratuite”) amènent dans le meilleur des cas à des compromis mais créent surtout beaucoup de précédents qui apprennent à l’autre partie comment vous fonctionnez et comment vous bougez de vos positions.

Le problème de ces propositions c’est qu’elles créent de la tension à la table des négociations et alimentent le conflit au lieu d’essayer de trouver des solutions et de commencer plus proche de la proposition finale que vous finirez par atteindre.

Enfin ces propositions irréalistes font perdre beaucoup de temps qui aurait pu être utilisé pour créer plus de valeurs pour chacune des parties.

 

Notre conseil : Avant de faire votre proposition, soyez prêt à la défendre. Si vous ne trouvez pas des arguments réalistes pour le faire, alors c’est que votre proposition est irréaliste et donc que vous devriez peut être ne pas la faire.

 

Négocier n’est jamais aisé quels que soient les enjeux. Pour réussir il est vivement conseillé d’éviter l’arbitrage et s’en remettre à un tiers, de tomber amoureux de votre stratégie au détriment de vos objectifs, d’alimenter le conflit en avançant des propositions irréalistes !

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